LE MARIAGE POUR TOUS

Le mariage oui mais en amont et en aval une nécessaire moralité.

Au delà des siècles et des lieux, toutes les sociétés connaissent la distinction fondamentale entre deux morales une individuelle et l’autre collective, notions presque indépendantes l’une de l’autre ayant chacune leur niveau propre de culture (les individus sont déterminés par leurs familles, leurs métiers, leurs conditions de vie et les sociétés plutôt par l’histoire, la géographie, la politique et la religion) presque tout diffère de l’une à l’autre : leur horizon, leur vécu (oscillant différemment entre la rigueur et l’anarchie) et leur gestion (plus facile donc plus variable au niveau du tempérament particulier qu’à celui fort lent, plus flou et plus subtil de la communauté).

Cependant il a fallu fort longtemps pour bien établir la distinction entre eux, chaque individu avait assez à faire pour sa survie et son entretien et vivait son univers moral sans réflexion particulière face à une élite forcément réduite, sans doute plus consciente mais elle aussi plus soumise que vraiment portée aux évolutions volontaires.

La révélation judéo-chrétienne a été le premier élément utile pour distinguer ces deux «niveaux» et leurs mutations (un peuple élu à un moment donné choisi par Dieu et soumis à sa loi indépendamment des personnes créées par Dieu qui leur offre à chacune l’alternative du bonheur ou du châtiment). Cependant il a fallu les lumières des XVIII° et XIX° siècles pour découvrir la fondamentalité de l’individu et de sa raison propre, chaque société apparaissant dès lors seulement comme l’ensemble librement consenti des personnes qui la composent, parallèlement la prise de conscience du progrès économique sortait la personne humaine de la gangue du minimum matériel, d’où une double évolution qui a entraîné depuis l’Europe occidentale jusqu’aux extrémités du monde la découverte conjointe du plaisir de la consommation et de la possibilité des droits de chacun.

La troisième étape (qui n’empêche nullement les deux précédentes) est justement la question actuelle de l’édification d’une société à partir de ces deux éléments d’individualisme dont on n’a pas fini de mesurer les conséquences avec leurs espoirs mais aussi leurs contradictions.

De nos jours, chacun (aussi bien dans « l’élite » que dans la masse et bien entendu plus les jeunes ­et même les enfants- que les vieux ) a le double besoin – maintenant vital – de jouir de sa liberté personnelle (soi-disant raisonnable) et de ses appétits propres aussi bien matériels que naturels.

Au fur et à mesure des générations, cette évolution désormais permanente s’est accélérée d’où la contradiction actuelle (au niveau collectif comme au niveau individuel) du plaisir de la société de consommation et une lamentation générale sur le déclin (disons plutôt la déconstruction) de cette même société , tout cela dans l’étouffement des « élites » traditionnelles incapables de situer la place de l’individu dans le groupe.

Depuis plus de deux siècles, la société (la droite ou la gauche, les laïcs et les religieux) s’est battue pour le double droit de la raison et de la consommation mais sans en évaluer les conséquences sociales en se limitant au seul niveau de la morale individuelle. D’où à mon humble avis, la question fondamentale sur la nécessité d’une morale collective qui n’exclut pas du tout la précédente d’autant qu’aucune communauté ne peut en effet se passer de normes réglant la vie sociale, d’où le danger des conséquences de la politique actuelle démolissant allègrement ces structures pour la plus grande joie (ou résignation) d’une opinion vidée de toute conscience.

Nous sommes curieusement dans un monde (donc un horizon bien plus large que la seule société occidentale) qui, en exaltant l’individualisme, asservit toujours davantage chacun au groupe que ce soit au niveau de la société, de l’économie comme de la culture d’où la grave et essentielle question du mariage, de son évolution et de la liberté de son organisation. Il n’est pas question ici de revenir sur l’éternelle variabilité des goûts, des sentiments et des idéologies que l’on ne peut pas méconnaître (ni même guérir si tant est que ce soit un mal) mais il importe plutôt de s’interroger sur l’éventualité d’une mutation radicale de la moralité collective.

Il est indéniable historiquement que l’instauration du divorce (puis la généralisation des unions libres) a été considérée en France comme une source de progrès individuels liée à la libération des individus (jugés) asservis. Cependant, qui eût pu imaginer en conséquence l’apparition d’une société ne vivant de fait que par le discrédit du mariage et la généralisation des parents « isolés » souvent bien incapables sentimentalement, matériellement et économiquement d’entretenir des enfants qui « n’en peuvent mais » ? Cette première difficulté sociale se double d’une seconde plus subtile encore de la généralisation (ou presque) dans les relations humaines des « périodes vides » dont on ne veut plus parler et qui de ce fait coupent et découpent les vies de chacun. Il est normal ainsi de ne plus parler de son précédent mariage ou de sa précédente union ou pour les enfants de son « autre » parent, ce qui ajouté au tabou de parler des personnes décédées, des échecs ou des maladies, (sans parler bien sûr de l’homosexualité) fragilise et ampute tous les rapports inter-humains. L’opinion se lamente de ce déclin mais pourquoi, pense-t’elle secrètement, refuser de droit la liberté à certains quand on est entouré de gens qui en ont usé et abusé de fait ?

Qui eut cru à de tels arguments en 1792 ou en 1884 lors du vote des lois sur le divorce ?

Enfin dernier élément, ces mutilations (ou à l’inverse ces reconstructions) nuptiales fragilisent l’individu qui a cru auparavant se fortifier ainsi, mais qui, devenu plus faible, ne cesse de demander dorénavant l’aide de l’Etat (et des autres collectivités) renforçant ainsi inévitablement le pouvoir de celui-ci au détriment de celui-là. Qui eut imaginé qu’après avoir voulu libérer l’individu, on ne cesse de l’asservir davantage en le jugeant trop faible pour régler ses problèmes ?

Les politiques forcément tournés vers le court (ou à la rigueur le moyen) terme semblent rester totalement indifférents sur ces contradictions et ces évolutions en cédant, au nom de la sempiternelle exigence de la « liberté raisonnable », aux pressions du lobby homosexuel (qui avait juré de se satisfaire du packs mais qui s’en souvient ?) et de la masse médiatique toute heureuse de quelques simplismes idéologiques à la hauteur de ses simplismes culturels.

Au delà de toute homophobie et au nom de la simple (et éternelle) raison, il serait bon et utile de s’interroger sur la quantité de personnes concernées car combien d’homosexuel(l)es ne se sentent pas intéressées par la question nuptiale, d’où la grave interrogation sous-jacente de déterminer à partir de quel pourcentage de personnes concernées faut-il solliciter l’opinion (la «harceler» diront d’autres).

En plus n’y a t’il pas un autre problème avec la fragilité particulière des unions homosexuelles passées, présentes et maintenant futures ? Les divorces (ou les séparations) sont déjà graves (en dépit des « libéraux » qui le nient au nom du grand nombre et de la normalité) mais personne ne s’occupe des risques d’autant plus dangereux dans le cas des homosexuels et de leurs enfants éventuels (certes on s’habitue à tout mais avec quelles conséquences ! et admettre les difficultés de ces enfants à venir au nom de celles des enfants du présent est un raisonnement effrayant !) A-t’on pris des renseignements à ce sujet chez les voisins qui nous ont précédés ?

Suivant une fâcheuse continuité historique, la gauche non marxiste naturellement préoccupée par les questions sociales n’a jamais pu prévoir à temps les contradictions d’une liberté collective non contrôlée et elle a, de ce fait, accepté au seul nom de la raison la possibilité de la disparition d’abord de la morale individuelle puis de la collective, ce qui a suscité inévitablement l’actuelle timidité pour en parler publiquement avec une dangereuse, subtile et hypocrite distinction entre les morales laïque ou religieuse.

On a trop longtemps considéré la morale individuelle comme le seul fondement de la religion et de la morale collective, ce qui n’est en rien évident. la morale n’est pas source de la religion ( ce serait plutôt le contraire) même si son besoin peut apparaître comme la première forme de « l’ouverture religieuse ». D’un autre côté, il est évident de considérer la législation comme un fondement essentiel de la vie collective donc de la morale. C’est ainsi que la liberté sexuelle ou familiale garantie par la loi ne peut que pousser l’opinion à des choix décisifs et chacun peut reconnaître ici que plus l’on parle d’homosexualité, plus cela pousse l’opinion à en considérer la normalité et la possibilité d’où l’évolution des pourcentages puisque l’on est ainsi passé d’une homosexualité «naturelle» (environ 7-10% de la population de chaque sexe) à une homosexualité plus «culturelle» (15 à 25% de la population), bref une modification purement gratuite qui, à moyenne échéance, va complètement changer la société.

Il eut été facile mais trop long de gloser ici davantage sur tous ces problémes qui eussent pu (qui eussent dû) être évoqués dans des débats publics. Il serait aussi évident de souligner l’inutilité politique de la question des unions homosexuelles du fait de l’ampleur de la crise économique qui eût exigé une meilleure unité nationale. On devrait encore dénoncer la vexation supplémentaire de bien des médias accusant ces «chrétiens soi-disants toujours plus dépassés et bornés dans leur conservatisme », et que dire de l’illusion électorale du renforcement d’une majorité politique bien fragile ?

Dans une telle polémique,

  • comme intellectuel,  je déplore la faiblesse et le silence de la plupart de mes confrères paralysés par leur individualisme et leur « timidité » («je ne suis ni concerné ni spécialiste »)
  • comme historien,  je dénonce aussi l’attitude de bien des catholiques acceptant de relativiser l’ancienneté et la valeur du mariage,
  • tout comme chrétien,  je regrette l’incapacité des croyants (en une Révélation) pour parler d’une même voix,
  • et comme citoyen,  je regrette de constater la difficulté de regrouper tous les Français religieux et humanistes, opposants à cette malheureuse initiative.

Pessimiste ou réaliste,  je suppose donc la victoire des partisans de cette dernière, ouvrant de ce fait de tristes perspectives pour notre société qui n’en a vraiment pas besoin.

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9 réponses à LE MARIAGE POUR TOUS

  1. Daniel dit :

    Votre réflexion sur le sujet est très bien approfondie et réfléchi. Je suis d’accord avec vous sur la moralité collective. La société humaine comme un être organique, évolue avec son temps et a besoin de remettre à jour ses lois et …

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